Refondation va, avec vous, préparer tout au long de l’année 2018 son projet au fil de plusieurs conventions thématiques nationales qui se tiendront dans les régions. Ces conventions sont des moments de débats, ouverts, libres à chacun, autour de grands témoins, de personnalités et d’acteurs qui agissent au quotidien pour inventer, bonifier ou défendre. Les conventions thématiques  ponctuent et relais un travail de contact, de réunions, de rencontres, de remontées d’expériences qui va se dérouler toute l’année, dans toutes les régions, portés par les volontaires et adhérents de Refondation, et tous ceux qui viendront à leur rencontre.

Notre travail de projet et les conventions vont également s’appuyer sur vos contributions à ce forum. Nous vous invitons donc à réagir librement et aussi souvent que vous le souhaitez…

 

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Pour réagir sur ce document, apporter un témoignage, nous mettre en contact avec un acteur du quotidien engagé…, contactez nous par mail : contact@refondation.fr

 

Introduction

Santé, bioéthique et recherche sont des champs imbriqués. Notre société de technologies en accélérations rapides, a soif d’appliquer à l’homme, sans assez de prise de distance, sans suffisamment mesurer les conséquences sur autrui ou sur l’environnement de toutes les innovations. Dès lors, elle en oublie les autres dimensions de l’approche du soin, technicise l’approche du corps et fait de sa performance un critère de résultat. Elle ne prend pas en compte les coûts, en les arbitrant, d’une vision dominée par l’usage systématique de la technique la plus en pointe, une technique qui par nature, n’est pas neutre. Nous vivons à la fois dans le rêve de « l’homme augmenté » et d’une inégalité croissante dans l’accès aux meilleurs soins.

L’approche du système de santé, avant toute préconisation, doit être refondée sur des principes différents. Sa finalité doit être clairement identifiée : la personne comprise comme un être de relation, et non un individu-type, consommateur de soin. Elle doit intégrer l’éthique non comme un champ séparé, mais dans l’ensemble des dimensions du quotidien des soins. Au-delà de ce quotidien, il convient néanmoins de poser quelques orientations simples dans le domaine des grands choix éthiques concernant aujourd’hui la question du vivant et de la recherche.

Le fonctionnement du système de santé

Un constat s’impose à nous :  Le management sec conduit au « mal être »

Le mal-être des soignants est évident, les nombreux suicides sur leur lieu de travail en sont les révélateurs, ainsi que les innombrables témoignages que récoltent les associations et syndicats professionnels.

Le management en structure sanitaire et sociale doit être repensé : le passage aux 35h a fragilisé la continuité des soins, et la tarification à la T2A, où les actes techniques sont privilégiés dans la rémunération en comparaison des actes intégrant du relationnel. Le soin, dont le ressort premier ne peut être la rentabilité, s’en trouve transformé en activité purement lucrative. Récemment le Conseil social, économique et environnemental (CESE) a proposé de faire sortir les soins palliatifs de cette tarification, le gouvernement envisage également de l’abandonner.

QUESTIONS QUE NOUS SERONS AMENES A NOUS POSER

Quels pourraient être les moyens pour rendre au soin, aux soignants, le temps qui leur est si nécessaire ?

Quel type d’organisation pourrait rétablir un juste équilibre entre la nécessité de contrôler les dépenses de santé et celle de prendre le temps nécessaire de la relation dans la démarche de soin ?

 

Les structures de soins sont de plus en plus éloignées en raison des fermetures des petits établissements et contribuent en cela à l’éclatement des réseaux de soutien familiaux et amicaux.

4 à 5 millions de personnes sont peu ou prou exclus du système de santé, malgré la CMU.

Les déserts médicaux sont un problème croissant et de plus en plus de citoyens peinent à se faire soigner, peinent à trouver simplement un médecin généraliste ; l’accès aux spécialistes étant encore plus difficile, le temps d’attente pour un rendez-vous dépassant fréquemment une année.

QUESTIONS QUE NOUS SERONS AMENES A NOUS POSER

Les maisons médicales peuvent-elles être une alternative à cette pénurie ?

Quels autres moyens peuvent être imaginés pour permettre à tous d’être suivis médicalement, d’accéder aux soins ?

Certains parents d’enfants porteurs de handicap font appel aux bonnes volontés pour garder quelques heures par semaine leur enfant, pour les conduire chez les professionnels de santé, pour faire jouer et stimuler leur enfant et ainsi leur permettre quelques pauses, leur permettre de continuer à travailler. Ce type de réseau pourrait-il être utilisé de manière plus large que pour le seul handicap et comment ? Comment faire appel à la revigorante générosité de proximité sans que ce soit le prétexte d’affaiblir un peu plus les institutions de santé ?

 

Des points de ruptures révélateurs : handicap, grande vieillesse, fin de vie

-Un grand plan autisme vient d’être lancé mais l’autisme n’est pas le seul handicap en souffrance dans notre pays. De plus en plus de parents se retrouvent sans solution pour la prise en charge de leurs enfants (scolarisation, places en structures adaptées, AVS, spécialistes, formation professionnelle, lieux de vie, vieillissement de la personne porteuse de handicap, …) ; certains font le choix de partir en Belgique où les places sont plus nombreuses.

QUESTIONS QUE NOUS SERONS AMENES A NOUS POSER

Quelles sont les solutions, qui prennent en considération l’importance de la vie de chacun et non sa productivité, peuvent-elles être apportées aux familles ainsi qu’aux hommes et femmes porteurs de ces handicaps ?

Quelles solutions pour une plus grande inclusion dans le respect des spécificités de chaque type de handicap et de chaque personne ?

Quelles orientations pour la recherche thérapeutique ? Se limite-t-on dans l’éventail des possibles au dépistage et ses chemins de choix difficiles?

 

Une disparition des liens intergénérationnels entraîne une incompréhension devant la vieillesse, mais également une disparition du lien entre les différentes situations de soin. Certains EHPAD tentent de travailler le lien intergénérationnel (activités communes crèches/écoles et EHPAD), d’ouvrir leurs structures sur l’extérieur mais la catégorisation imposée par l’Agence régionale de santé (ARS) les empêche d’aller plus loin et parfois ces expériences sont conduites en infraction des règlementations qui sont mise en place pour la protection des résidents.

En France, on vieillit longtemps mais on vieillit mal.

QUESTIONS QUE NOUS SERONS AMENES A NOUS POSER

Quel type de structure, d’adaptation, pourrait-on mettre en place pour que ces établissements, tout en veillant au bien des résidents, ne les coupent pas du monde ?

Quelle place pourrait-on faire aux projets innovants des soignants (jardins thérapeutiques, ateliers cuisine avec des jeunes ou des habitants du quartier, travail des résidents dans la structure, …) sachant qu’ils sont souvent freinés par une administration lourde ?

Comment remédier au problème chronique de manque de personnel soignant en particulier en EHPAD ?

 

 

La fin de vie est toujours en souffrance. Alors que la loi Leonetti-Claeys reste inappliquée, certains veulent déjà autoriser l’euthanasie qui déstabiliserait dangereusement la place des plus faibles, déplacerait le métier de soignant vers des terrains qui ne sont pas les siens et risque de faire entrer la mort dans les obligations sociales. La structure hospitalière n’est pas toujours adaptée pour la gestion et l’accompagnement de la fin de vie. Elle empêche de considérer la fin de vie comme normale en la rendant pathologique puisqu’elle se déroule dans un lieu où l’on tente de guérir des maladies.

QUESTIONS QUE NOUS SERONS AMENES A NOUS POSER

Quelles pourraient être les solutions (structures, personnels, bénévoles, formation, etc…), les initiatives qui permettraient une fin de vie plus apaisée, sereine qui ré-entre dans la normalité de la vie ?

Des maisons de vie, de répit se créent petit à petit en France. Ces expériences sont-elles à maintenir, à élargir, à améliorer ou bien à restreindre ?

 

Choisir une autre conception plus participative et responsable

-La santé sort de plus en plus de son domaine pour envahir tous les domaines de notre vie avec le sentiment que notre corps est pris en otage, que nous sommes privés de liberté par des injonctions sanitaires et hygiénistes.

Demain le séquençage du génome sera financièrement et matériellement à la portée de tous avec les risques de sélection que cela comporte (risques vis-à-vis de la prise en charge sanitaire, des assurances maladies, risque eugénique par le séquençage du génome du fœtus).

QUESTIONS QUE NOUS SERONS AMENES A NOUS POSER

Quelles orientations devrait-on prendre vis-à-vis de ce type de menaces ? Interdire, autoriser, ou quelque chose à mi-chemin entre les deux ?

Les tensions entre soignants et patients sont parfois très fortes et sont un obstacle supplémentaire dans le parcours de soin. Dans le même temps les patients experts commencent à apparaître mais avec un rôle encore trop limité par rapport à ce qui se fait dans d’autres pays européens ou bien outre-Atlantique. Ces patients montrent qu’un certain type de collaboration entre soignants et patients est possible.

QUESTIONS QUE NOUS SERONS AMENES A NOUS POSER

Quel type de collaboration pourrait être développé pour que soignants et patients, acteurs sociaux et usagers, se sentent respectés et travaillent ensemble au bien du patient, de l’usager et au bien commun ?

Quelle réflexion serait à mener pour un système de santé qui soit plus respectueux de la vie privée, des choix personnels, de l’autonomie de chacun tout en protégeant les plus faibles, tout en respectant les liens entre les personnes, les liens familiaux, amicaux, fraternels ?

 

Les voies d’une refondation du système de santé

Aujourd’hui : derrière la neutralité apparente, une régulation écartelée

  1. L’alliance des praticiens, des établissements de soins et des laboratoires pharmaceutiques pour proposer une vision consumériste de soins aux patients met l’Etat sur la défensive : il ne peut que canaliser la soif illimitée d’un système fondé sur une progression du profit favorisé par une expansion consumériste.
  2. Avec la spécialisation des soins et la logique productiviste, l’hôpital l’emporte désormais sur la médecine de ville, qui recule, au détriment du parcours de soins, pourtant affirmé comme priorité logique, et de l’éducation à la santé. A l’intérieur de l’hôpital, la dichotomie public/privé organise une symétrie peu féconde en une bureaucratie dominée par le comptable et un système  qui serre les coûts pour conserver les profits. Le système, devenu fragmenté, va se centrer sur les pathologies les plus fréquentes et les clients les plus solvables ou les mieux couverts au détriment des catégories les plus fragiles et de problèmes de fin de vie, « hors production ». Les économies générées par l’intelligence artificielle doivent être anticipées, pour qu’elle ne soir pas captée dans les marges des producteurs, mais bénéficient à tous.
  3. L’assurance maladie et le paritarisme sont sortis du jeu, les caisses étant devenus littéralement des guichets financiers techniques : les producteurs sont donc face au consommateurs, l’Etat se contentant de freiner l’emballement. Il n’y a plus de citoyenneté dans les choix et le système se régule au coup par coup sous un angle technique et comptable, expliquant l’abandon des grands chantiers : handicaps, fin de vie, insertion d’une humanité relationnelle. Les mutuelles en alliance avec des groupes d’assurance prennent des comportements de groupes d’assurance privée, et dévorent l’assurance maladie, laissant esquisser la perspective d’un « jet de l’éponge » de l’Etat et d’une privatisation consumériste définitive.

 

Reposons des choix et des principes

  1. Les principes de l’économie de la réciprocité doivent s’appliquer au système de santé : chaque partie-prenante doit avoir droit à une rétribution juste. Leur implication doit être mesurée avec des indicateurs nouveaux : temps consacré à l’écoute, contribution à l’éducation du patient et à la formation des soignants, fonction d’orientation, coût de la recherche, contribution à l’égalité et au versant social du système. La rétribution doit se fonder sur ces facteurs, en complément de la rémunération de l’argent investi.
  2.   Il faut sanctuariser les fondamentaux : les populations les plus fragiles doivent être érigées en priorité, et la fin de vie doit faire l’objet de choix, y compris en termes du « bien  vieillir », et de l’obstination déraisonnable.

 

Faire des choix courageux de réorientations

Plusieurs pistes doivent être discutées :

  1.  Créer un statut unique d’établissement, sous la formule d’ESPIC (établissement de santé privé d’intérêt collectif) dont les actionnaires seraient selon les cas et l’histoire locald soit des parties prenantes sans but lucratif, soit un système paritaire et rénové d’assurance maladie.
  2.  Rétablir l’équilibre entre médecine de ville, en recul, et hôpital en rehaussant le statut et la place du praticien libéral, en articulant mieux soins médicaux et paramédicaux, et en créant un continuum du parcours sous l’autorité d’un sous-régulateur par bassin de vie. Cela passe aussi par un dé-compartimentage de catégories souvent très bureaucratiques : ainsi par exemple du passage de maison de vie en EHPAD au seul motif de l’anniversaire des 60 ans.
  3.  Mettre un terme au double-mouvement parallèle d’étatisation bureaucratique et de privatisation par la capital privé (assurances privées, cliniques) en rénovant le paritarisme et en y intégrant le mutualisme.
  4.  Placer ce paritarisme à l’échelon clef de la grande région, en intégrant les élus et les représentant des praticiens et des usagers dans cette gestion paritaire. En contrepartie, édicter des normes nationales fondées sur des valeurs débattues.

 

Les grandes thématiques de la bioéthique et de la recherche

 

Les grands choix bioéthiques d’aujourd’hui

Il faut sortir d’une approche moraliste. Tout désir n’est pas mauvais en soi, y compris le désir d’enfant. Nous devons être capable en commun, avec modération, et sans précipitation, de définir des limites simples à un usage non borné des innovations.

 

De la patience pour dégager un consensus sur des principes

Il est inacceptable que des débats aussi graves (tels que … donner 2/3 exemples), lourds de responsabilités, soient dictés par la passion. Nous n’avons pas aujourd’hui tous les éléments pour les trancher, en termes de connaissances et ils exigent un consensus très large pour aller de l’avant, en prenant le temps du débat long, y compris face aux impatiences.

A ce stade, il faut d’abord s’entendre sur quelques principes simples et mesurer si nous pouvons dégager un consensus sur ceux-ci.

En premier lieu, le principe de précaution : nul objectif ou utilisation d’un résultat de recherche ne peut s’appliquer en cas d’identification de graves risques (exemple précis ?). Il faut intégrer les risques de déstabilisation du vivant, comme en matière d’OGM, mais aussi les risques anthropologiques, avec la même exigence. Par ailleurs il faut systématiser les études d’impact les plus neutres possibles, soit en France, soit chez nos voisins ayant mené des expérimentations, en veillant à les mesurer sur toutes les parties prenantes.

Deuxièmement, la non marchandisation du vivant : l’être humain, un enfant, un ventre, un organe, un ovocyte, ne sont pas des biens de consommation. Leur valeur propre ne peut être défini et échangé sur un marché. Ils peuvent en revanche, être au cœur d’une économie du don.

Il faut débattre de ces deux principes, de leur définition et de leur portée, en prenant le temps nécessaire, en s’attachant non à prétendre posséder des vérités, mais à construire autour de ces principes des règles en prenant le temps d’un débat, large, sage et patient.

 

Poser les questions essentielles

La Gestation pour autrui (GPA) et la Procréation médicalement assistée (PMA).

La non marchandisation nous apparaît comme une frontière intangible. Elle doit peut-être même être sanctionnée dans des conditions d’extra-territorialité. Des questions lourdes se posent au-delà néanmoins qui sont toutes ouvertes et justifiées : Le droit à l’enfant est-il infini ? L’enfant doit-il avoir un père et une mère ? Peut-il être légitime, quelles que soient ses certitudes de prendre certaines décisions à sa place ?  N’y auraient-ils pas des alternatives à des solutions technologiques non  neutres ? Qui doit prendre en charge les coûts importants du recours à ces solutions si elles étaient largement étendues ? (en cours)

 

La thérapie génique, le statut de l’embryon, le clonage thérapeutique

 

L’euthanasie, la fin de vie, l’acharnement thérapeutique

La loi ne peut remplacer les consciences et la société n’a pas à se substituer à la conscience individuelle. Cependant, la société ne saurait pas plus légitimement ériger en principe une vision marchande de la mort qu’elle ne devrait autoriser à marchandiser la vie : tout marché de l’euthanasie, y compris dissimulé derrière des apparences associatives, peut-il dès lors, comme en Suisse ou en Belgique, être accepté ? Il semble au contraire que le rôle de la société est de se donner les moyens de rendre enfin prioritaire la lutte contre la douleur, de refuser l’acharnement thérapeutique, d’humaniser la fin de vie en y consacrant des ressources, d’accueillir, avec des moyens réels de solidarité aux familles et de soutien, les enfants handicapés. Ce renversement de perspective établi, le problème se trouve posé dans des conditions moins définitives. C’est dans ce contexte rénové qu’il appartiendra au corps médical, en collégialité et de manière publique et transparente, d’établir un dialogue avec le malade et sa famille. Ce domaine est-il réellement un enjeu législatif ?  Rien n’est moins sûr.

La position sur les OGM sera quant à elle débattue à l’occasion de notre convention sur l’agriculture, l’écologie et la biodiversité.

 

Pour une recherche tournée vers le bien commun

Nous avons décidé à ce stade de la convention de ne traiter que les principes de l’organisation de la recherche, sujet en soi. Leur déploiement et leurs analyses plus détaillées feront l’objet d’un travail au long de l’année 2019 et d’un séminaire d’une demi-journée, fin de l’année 2018 à Paris.

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