Lettre du « jour d’après » : le logement pour tous

Intervenant : Brigitte Métra, architecte française. Ancienne collaboratrice de Jean Nouvel, elle dirige une agence d’architecture et est l’auteur de plusieurs bâtiments en France et en Chine, et notamment l’architecte associée de la Philharmonie de Paris.

 

Constat

Le logement constitue un poste de dépense très important : 30 à 40 % des dépenses des foyers français. La principale problématique que pose les sujets relatifs au logement est qu’aujourd’hui il n’y a pas de rencontre entre les besoins des ménages/individus et le marché de l’offre du logement dans les villes. L’offre et la demande ne se rencontrent pas.

Comment faire en sorte que les ménages et/ou individus puissent être logés correctement ?

Avec la crise du COVID et du confinement, force est de constater que :

– Les Parisiens avaient un besoin de plus d’espace, voire d’une maison en campagne ;

– Le besoin d’avoir une pièce en plus : un trois pièces faisait en moyenne, dans les années 70, plus de 60 mètres carrés ; aujourd’hui, il en existe en dessous de 50 m² ;

– Les surfaces proposées dans le cadre de projets immobiliers sont de plus en plus réduites (par exemple, au sein de Paris intra-muros, il existe des pièces servant de chambre mais dans lesquelles il n’est pas possible d’aménager un lit).

Les exigences demandées par les constructeurs aux architectes ne permettent plus de fournir des logements spacieux ou mêmes lumineux. Par exemple, un grand constructeur avait exigé qu’il y ait, sur un même étage, six appartements. Exigence qui occulte la possibilité d’avoir des appartements traversants. Or, l’homme a besoin d’avoir la lumière du jour. Cette possibilité est réduite avec des constructions qui offrent très peu d’espaces et d’ouvertures et qui entrainent une densité d’habitations beaucoup trop importante.

En 2020, il y a 54% de la population mondiale qui vit en milieu urbain et 70% y vivront en 2050. Il ne faudrait donc pas densifier les constructions car on risque de créer un phénomène d’entassement des populations.

La financiarisation de l’immobilier 

Avec les différentes lois de type ‘loi Pinel’ et autres dispositifs de défiscalisation, les logements ont suivi la financiarisation de la société qui conduit les constructeurs à rechercher des économies à tous les niveaux des projets immobiliers.

Comment font les promoteurs pour faire augmenter sans cesse leurs marges ?

– En baissant les surfaces : dans les grandes villes les projets immobiliers présentent des surfaces de plus en plus réduites ;

– En augmentant les prix du mètre carré pour assurer un meilleur rendement aux investisseurs et actionnaires.

Proposition : remettre l’humain au cœur des besoins des projets immobiliers et non seulement la rentabilité financière.

A Paris, la construction revient en moyenne à 2500 € du mètre carré pour le promoteur et il est revendu environ à 13 000 € aux particuliers.

Qu’est ce qui justifie un tel écart ?

Le prix du foncier en est la raison principale car il pèse pour 30 à 40 % du coût total à Paris. Les conséquences sont :

– Les prix du logement dans les villes augmentent ;

– Les personnes désertent les villes car elles ne peuvent pas suivre ces évolutions du marché.

Proposition : plaider pour que l’économie soit un moteur en favorisant une société plus inclusive et moins inégalitaire.

Proposition : comment construire mieux, plus vite et moins cher ?

Une proposition a été présentée à l’Elysée, validée par les conseillers au logement. Le bémol : ce projet nécessitait une garantie bancaire de type banque publique d’investissement que les organismes n’ont pas su proposer car cela nécessitait qu’ils sortent du cadre et de leur mode habituels de fonctionnement. Retrouver un équilibre économique serait une manière de construire la ville avec des rendements plus raisonnables pour que toutes les parties gagnent correctement leur vie.

Brigitte Métra s’inscrit contre un modèle caractérisé par :

– Faire le maximum de mètre carrés ;

– Faire le maximum de profit ;

– Faire le plus de marge.

Et le tout, au détriment des besoins de l’humain.

Et en tant qu’architecte, elle construit :

– En mettant l’humain au cœur du projet ;

– En se mettant à la place de l’habitant pour un logement ;

– En se mettant à la place de celui qui travaille pour la construction de bureaux Etc.

Son objectif est de trouver des solutions de logements pérennes et de qualité pour tous.

Un chiffre : douze (12) millions de personnes sont en situation de mal logement en France (Fondation Abbé Pierre).

Proposition : Un travail collectif de tous les acteurs du logement dans un mode de fonctionnement collaboratif depuis la conception, en passant par la réalisation, et jusqu’à la construction. Mise en place d’une plateforme digitale pour mettre en relation tous les acteurs (constructeurs, acheteurs, etc.) ; la marge dégagée serait réinvestie. Le porteur du foncier devra également jouer le jeu, c’est-à-dire vendre au prix coûtant en limitant sa marge. L’architecture proposée devra être innovante et attractive.

Rédigé par Joly Andres

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